To sulphur or not to sulphur in wine is a hot potato these days – or years rather. And not without reason. Just ten years ago sulphur was not a subject for almost any winedrinkers in or outside the profession. The avantgarde of winedrinkers then were speaking of terroir at the most. They still are, but now lots of them also talk about sulphur. And it's true that great wines are made mainly in the vineyard, but – because there is a 'but' – it's regularly destroyed in the cellar. And a lot of winegrowers don't use any sulphur, even more claim not to. But as this interview extract clearly shows, making wines without the use of any sulphur is not something you just do like that. However, it's strongly connected with the notion of terroir. Which is interresting. Some claim that sulphur is necessary to 'tame' the wine and let the terroir express itself. Pierre Overnoy – who by the way is the winegrower all the other growers – all! – always turn to for an advice when the fat's in the fire and they don't know what to do – has never used sulphur in his wines. It has nothing to do with any hype or the fad of current times. Pierre Overnoy is born in the same small village he still lives in. His vineyards have been in the possessionof his family for generations and have never been in touch with any sort of chemicals whatsoever, and Pierre Overnoy has like his forefathers never used any sulphur in the vinification, so why should he start now? According to Pierre Overnoy it's a question of understanding nature which might sound too easy, or even corny, to claim, but it isn't easy at all, actually, he says, it's f..ing difficult. Not two vintages are the same, and just when you feel that you've cracked the code something unforeseen happens. But it's only when you've realized it – that you need to understand nature – that you are able to make wine without sulphur. Sulphur impedes the vineyards own yeastpopulation to develop naturally, and when you have destroyed that development, there's nothing else to do than to help the wine regain some sort of balance with chemical aids, something which according to Pierre Overnoy should be avoided at any price. And it's only when you have understood how to make wine without sulphur that you understand nature – and thereby become able to transmit it.
“Pour nous, ce qui est important, et qui détermine la date des vendanges, c'est un 'pH puissant' (lorsque P.O. parle de 'pH puissant', il veut non pas acidité basse, mais acidité haute). Parce que notre gros problème, c'est le suivant: les bactéries lactiques dégradents l'acide malique et le transforment en acide lactique, elles se reposent un peu, ensuite elles dégradent l'acide citrique, elles se reposent encore quelques jours, ensuite s'il y a des sucres résiduels non fermentés, elles les attaquent... Donc, avoir un pH puissant et ne pas avoir la fermentation malolactique qui se termine avant la fermentation alcoolique. Quand ça arrive, il faut avoir du froid pour refroidir la cuve, pour que les bactéries ne se développent pas... C'est un gros investissement. On a besoin d'un pH puissant parce qu'on ne tue pas les bactéries lactiques. Les sucres fermentescibles qui restent éventuellement, les bactéries peuvent en transformer une partie en alcool, mais elles peuvent les transformer en vinaigre. Il faut donc faire 'souffrir' les bactéries, par d'autres moyens que le soufre: physiquement plutôt que chimiquement. Donc la première chose, c'est d'avoir un pH puissant: les bactéries, elles vont souffrir par le pH. Pour obtenir ce pH puissant, il ne faut pas désherber chimiquement les vignes, il faut qu'elles soient travaillées. Si elles ne sont pas travaillées, les racines remontent et prennent la potasse en surface – même si on n'en a pas mis – et la potasse se combine avec l'acide tartrique naturel du raisin et fait chuter l'acidité.
Pour travailler sans soufre, il faut un bon pH et une grosse population de levures – en bonne santé. Si on a désherbé chimiquement les vignes, on a tué une bonne partie des levures et ce sont les 'Schizo' qui se développent, les levures Schizosaccharomyces qui donnent de l'acidité volatile. Il y a bien toujours quelques 'Schizo', mais il faut que ce soit les autres levures qui s'emparet du milieu. Ce sont soit les 'bonnes' levures, soit les 'mauvaises' levures, soit les bactéries qui s'emparent du milieu. Comme on ne travaille pas avec la chimie pour jour sur ces élements, on travaille physiquement, mais avec une base de vigne qui apporte les bons élements.
Après ça, si possible, il faut beaucoup d'acide malique, mais ça, on ne le maîtrise pas. C'est à la vendange que ça se décide: s'il fait très chaud, l'acide malique descend et on est obligé de vendanger. L'acide tartrique du raisin se dégrade par dilution, l'acide malique par combustion. S'il pleut beaucoup, on aura moins de tartrique et beaucoup de malique, et inversement.
Donc, il faut qu'on ait la bonne 'triangulaire': un pH puissant, une grosse population de levures en bonne santé et beaucoup d'acide malique, si possible. Mais le plus important pour nous, c'est la population de levures: avec ça, même si les autres éléments ne sont pas favorables, on va s'en sortir. Il y a une 'course' qui s'engage entre les levures et les bactéries, et il faut que les bactéries n'arrivent pas au point de s'attaquer aux sucres avant que les levures les aient dégradés... Les températures sont le moyen de jouer sur ce point, au départ, vers 8°, seules les levures commencent à travailler, puis les bactéries démarrent, et il faut laisser partir, on n'a plus d'autres moyens. Chez nous, la cuverie est réfrigérée, mais quand il faut laisser monter la température du rouge, c'est le blanc qui arrive: on a deux lieux réfrigérés et un appareil qui peut faire du chaud ou du froid sur chaque cuve. C'est pas une petite affaire de travailler sans soufre! Et même avec les moyens, on ne fait pas les malins!
On peut parfois être déclassé de l'AOC à cause de la 'typicité': la plupart des vins sont avec des levures industrielles et du soufre, donc c'est l'étalon, et notre vin n'est pas 'comme les autres', donc il n'est pas 'typique'... Si la typicité, c'est ajouter tout ce qu'il faut pour être comme tout le monde, alors... ! C'est comme dans une épicerie, il y a neuf sirops de menthe colorés en vert, un autre est blanc: il a 'un problème'... il n'est pas comme les autres, c'est le seul sans colorant, il n'est pas 'typique'. Quand les vins sont goûtés, comme aujourd'hui, par des jeunes qui n'ont pas connu les vins d'autrefois, ça peut poser de sérieux problèmes à l'agrément...
Pour la conservation du vin, on pense aujourd'hui qu'il lui faut beaucoup d'acidité. C'est vrai dans le contexte actuel, avec souvent trop de raisins sur le cep: l'acidité baisse, et les autres éléments ne peuvent pas prendre le relais... On a pourtant vu des vins de la Vallée du Rhône avoir une acidité extrêmement faible et se garder très longtemps! Mais il faut qu'il n'y ait pas trop de raisins sur le cep, et là, il n'y a pas besoin d'acidité pour garder le vin. Par exemple, chez nous, 1964, une année très chaude absolument sans acidité: tous les vignerons pensaient que le vin ne se garderait pas. J'en ai gardé quelques bouteilles: récemment, avec Marcel Lapierre et la petite 'bande' du Beaujolais, on l'a goûté, et personne ne l'a daté plus vieux que 2000!”
François Morel: Le vin au naturel, pp. 60-62 (Les Éditions du Vin, Le Rouge & Le Blanc, 2008)